Marion Canalès, présidente d’assemblia : « En trois ans, pas de répit et pas de repli pour notre fabrique urbaine ! »

Marion Canalès, présidente d’assemblia : « En trois ans, pas de répit et pas de repli pour notre fabrique urbaine ! »

Déjà 3 ans que Logidôme et la SEAu ont fusionné pour donner naissance à assemblia, notre « fabrique urbaine ». Trois années durant lesquelles, malgré les crises, les équipes, son directeur général Rachid Kander ont dû se questionner, s’adapter, se réinventer, pour répondre de façon toujours plus efficace et pertinente aux attentes des locataires, mais également des partenaires que sont les collectivités locales. La présidente d’assemblia, Marion Canalès, revient sur sa vision de cette période, à la fois riche de réalisations et d’enseignements. Et annonciatrice de multiples défis à relever, comme la diversification de ses missions d’intérêt général. Interview.

Assemblia est entrée dans sa 3ème année d’existence après la fusion de Logidôme et de la SEAU. Comment se porte la fabrique urbaine ?

Marion Canalès : Pour résumer ces trois années, je dirais qu’il y a deux mots d’ordre : pas de répit et pas de repli. Pas de répit d’abord, parce que nous avons connu une succession de crises qu’il a fallu résoudre, accompagner : la crise sanitaire qui a impacté l’activité d’assemblia, la crise internationale, la crise économique qui a impacté et qui impactera encore nos chantiers et nos métiers. Et pas de repli parce que nous avons dû relever le défi de l’urgence sociale. En effet, se sont révélées encore plus urgemment dans ces multiples crises les attentes de la part de la population. Et particulièrement de la part de nos locataires ou bien encore des demandeurs.

Durant cette période, comment s’est caractérisée cette crise sociale ?

Marion Canalès : Sur notre territoire, ce sont toujours plus de 16 000 personnes qui attendent un logement social. En trois ans, nous avons vu le nombre de loyers impayés augmenter. Avec la crise sanitaire, certains de nos locataires n’étaient plus rémunérés. Certaines réformes ont aussi beaucoup impacté nos locataires. C’est le cas de la réforme des APL, les aides au logement, qui a touché près de la moitié d’entre eux. Je m’inquiète aussi beaucoup de la réforme de l’assurance-chômage ou évidemment de la réforme des retraites avec une population vieillissante chez nos locataires. A cela s’ajoute l’inflation et les difficultés qu’elle engendre, mais également la crise énergétique.

« Des actions de transition énergétiques importantes, en lien avec les collectivités »

Quelle est la méthode d’assemblia pour faire face à ces difficultés ?

Marion Canalès : Nous essayons de mettre en œuvre des actions très concrètes. Tout d’abord, nous poursuivons activement la rénovation thermique de notre parc immobilier, comme en témoigne l’opération de réhabilitation de 300 logements au sein du quartier de la Gauthière à Clermont-Ferrand.

Nous avons également concrétisé nos initiatives en matière de transition énergétique, avec notre filiale Ombrières d’Auvergne. Une quinzaine d’installations ont actuellement lieu à travers le territoire et constituent un acte important.

Assemblia est aussi aménageur-constructeur. Comment s’est comportée cette activité durant ces 3 premières années ?

Marion Canalès : Nous menons évidemment notre grand chantier dans le cadre du PNRU (nouveau programme de rénovation urbaine, ndlr) avec la déconstruction de la Muraille de Chine à Clermont-Ferrand et la requalification de toute cette partie du plateau Saint-Jacques. Cette opération d’envergure montre bien qu’il n’y a pas de repli et la dernière étape du chantier ne fait que commencer. Nous poursuivons l’accompagnement des territoires à travers la revitalisation des centres-bourgs, l’aménagement de zones d’activités économiques ou encore de tout nouveaux quartiers, pilotes, écoquartiers… Et bien-sûr, nous continuons notre effort de construction et dans cette crise aux multiples visages, nous démontrons notre agilité. Preuve en est : en 2022, ce sont plus de 300 logements sociaux qui ont été livrés. C’est un record !

« Assemblia est le premier ambassadeur des territoires »

Diriez-vous que les missions d’intérêt général d’assemblia sont singulières sur le territoire de l’Ouest régional ?

Marion Canalès : C’est ma conviction. Nous sommes très présents, nous connaissons bien notre territoire, le bassin de vie métropolitain et plus largement les départements du Puy-de-Dôme et de l’Allier, comme en témoigne par exemple notre agence bourbonnaise implantée depuis de nombreuses années. Forts de nos plus de 200 salariés, nous avons des équipes compétentes, capables de se réinventer. Elles ont de l’expérience et arrivent à s’adapter à de nouvelles attentes et aux aspirations actuelles. Assemblia doit continuer à comprendre, à accompagner et à être le premier ambassadeur des territoires, non pas pour faire à leur place, mais pour faire avec eux. C’est ma vision des missions d’intérêt général que nous portons.

Côté bailleur social, quelles leçons tirez-vous de votre dernière enquête de satisfaction menée auprès de vos locataires ? Les résultats 2022 indiquent une hausse de la satisfaction globale…

Marion Canalès : Nous sommes très heureux que les locataires aient ainsi exprimé leur confiance dans nos équipes, avec une hausse de 5 points enregistrée en trois ans. J’y vois le résultat du requestionnement de nos actions de proximité, avec par exemple notre projet gardiens ou encore notre dispositif de tranquillité résidentielle Actéo. Il y a aussi toute l’énergie qu’assemblia dédie au relogement des locataires concernés par un projet de déconstruction. Ce sont quatre collaborateurs d’expérience qui se rendent sur le terrain pour répondre aux attentes des familles. Ce travail de fourmis et de proximité paie et c’est notre marque de fabrique. Nous avons encore des points d’amélioration et nous y travaillons avec enthousiasme et énergie.

« Il y a nécessité de réinterroger le modèle du logement social ! »

L’adaptation des équipes d’assemblia est-elle un maillon fort de cette satisfaction exprimée ?

Marion Canalès : C’est vrai. Durant cette période transitoire, nos équipes ont su se réinventer. Leur travail est reconnu. Toutes et tous ont su se poser les bonnes questions. Et nous allons continuer de cette manière pour encore améliorer la réponse apportée aux locataires. Depuis la fusion, nous avons su mettre en place les procédures qui enrichissent le panel de recours de nos locataires. C’est un vrai positionnement des équipes qui a permis d’obtenir ce résultat. Ce n’est jamais facile de se remettre ainsi en question. Nous avons su prouver que nous étions dans la proximité, et ce n’est pas terminé !

Après une année record en 2022, comment voyez-vous cette année 2023 en matière d’évolution du parc immobilier ?

Marion Canalès : Pour assemblia comme pour beaucoup d’autres, cela va être une année compliquée. Ne nous voilons pas la face : nous avons des prix qui s’envolent et nous allons sans doute être confrontés à une baisse de la production de logements. Derrière cela, c’est tout le modèle du logement social qui a une tendance à l’auto-appauvrissement. Il faut le réinterroger. Et les pouvoirs publics doivent se saisir de ce sujet brûlant. Il est indispensable de revoir le fonctionnement du financement du logement social, et en premier lieu la réforme de la RLS (réduction de loyer de solidarité, ndlr) qui peut impacter l’effet levier que les bailleurs peuvent avoir sur le territoire. Lorsqu’on évoque le financement du logement social, se pose aussi la question du taux de rémunération du livret A. C’est un modèle qui ne peut pas tenir. Par conséquent, assemblia renonce à des mises en chantier pour cette année 2023.

« Diversifier notre offre pour rendre nos missions solidaires »

Quels sont les axes à développer pour sauver ce modèle de financement du logement social ?

Marion Canalès : Il faut revoir la réforme initiale de la RLS. Il faut aussi absolument sanctuariser Action Logement et l’Anah. Ce sont ces organisations qui permettent des rénovations thermiques et donc de faire baisser des factures énergétiques. Il faut prendre à bras-le-corps le sujet de l’habitat, les gens ont besoin de se loger. Il est aussi essentiel de lutter contre les phénomènes de spéculation foncière. Aujourd’hui, il est nécessaire de mettre en place des outils qui existent déjà sur certains territoires, comme l’Office Foncier Solidaire qui facilite l’accès au logement.

Dans un tel contexte, assemblia a décidé de diversifier son offre…

Marion Canalès : C’est le pari que nous faisons, celui de diversifier nos propositions, nos offres, nos structures, de filialiser, de créer des sociétés de portage d’immobiliers d’entreprise. Cela permet de mettre en place une sorte de solidarité interne de nos missions et de nos activités pour compenser les pertes que nous avons sur la partie bailleur social. La création de la SCCV (société civile de construction vente) avec Cico Promotion à l’été 2022, c’est aller au bout du processus. Nous construisons, nous aménageons, nous allons désormais pouvoir assurer la promotion. Et cela permet aussi à assemblia de se doter d’une nouvelle expertise sur un secteur où nous savons qu’il y a des attentes. Plus globalement, cela permet à notre « fabrique urbaine » de détenir tout l’agilité nécessaire pour être au plus proche des besoins de notre territoire et de ses habitants.

« 2 000 logements rénovés en 10 ans pour 65 millions d’euros de travaux »

Comment se positionne assemblia face à la crise énergétique et écologique que nous traversons ?

Marion Canalès : Face à la hausse des factures énergétiques, nous faisons notre maximum pour limiter la répercussion sur nos locataires. Nous avons attendu la mise en place du bouclier tarifaire de 15% pour impacter les hausses de provisions de charges sur nos locataires afin de limiter le choc. Nous diversifions nos offres et nos actions en matière d’énergie. C’est évidemment le raccordement en cours du quartier Saint-Jacques à Clermont-Ferrand avec le réseau de chaleur urbain qui minimise l’impact de cette crise. Nous essayons d’aller vers des énergies toujours plus propres et innovantes, comme avec la géothermie au Cendre. Nous accompagnons le déploiement de la solarisation avec les Ombrières d’Auvergne. Il s’agit de pouvoir continuer à œuvrer en matière de rénovation thermique. En 10 ans, assemblia a rénové 2 000 logements pour 65 millions d’euros. Chez assemblia, nos bâtiments consomment 30 à 40% de chauffage en moins après une rénovation thermique. Enfin, nos investissements consistent aussi à rappeler à nos résidents, qu’à leur échelle, ils sont acteurs de cette transition écologique.

Comment assemblia fait en sorte de réaliser des chantiers responsables ?

Marion Canalès : Nous essayons de mener des chantiers les plus exemplaires possibles, avec le tri des matériaux pour la réalisation de voirie par exemple. Il y a la volonté de continuer à œuvrer pour une économie circulaire en confiant le réemploi à des associations pour minimiser les déchets. Dans nos constructions, nous privilégions le plus possible des matériaux durables avec un impact carbone faible. En somme, nous essayons de tendre vers une écoconception du chantier. Et puis nous souhaitons aussi des chantiers exemplaires sur le plan humain avec une large part donnée à l’insertion sociale. En 2021, assemblia était parvenu à atteindre le chiffre conséquent de 37 492 heures d’insertion réalisées, soit environ 50% de plus que prévues. Ces clauses d’insertion ont bénéficié cette année-là à 112 demandeurs d’emploi permettant la création de 6 CDI et 7 CDD. En 2023, nous souhaitons encore plus d’insertion, mais également un travail toujours plus fin avec les entreprises locales. Cela fait partie de notre ADN.

« La fin de la Muraille : trait d’union entre le Clermont d’hier et le Clermont de demain »

Le projet-phare de cette année 2023, c’est évidemment la déconstruction effective de la Muraille de Chine. Pour assemblia aussi, c’est la disparition d’un symbole ?

Marion Canalès : C’est vrai. Assemblia va remettre en fin d’année les clés du foncier à la Métropole, accompagnée par la SPL Clermont Auvergne, cousine d’assemblia, pour la création d’un grand parc urbain. C’est la fin d’une grande histoire pour assemblia avec ce secteur de la ville, méconnu mais très apprécié. C’est un symbole architectural, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, de Clermont-Ferrand. Pour beaucoup, il y aura une certaine nostalgie. Avec le premier coup de pelle qui a eu lieu début avril, nous avons vécu un moment particulièrement marquant de l’histoire urbaine de la ville ; un trait d’union entre le Clermont d’hier et le Clermont de demain. Et puis il s’agit d’un chantier de déconstruction exemplaire dans notre démarche de renouvellement urbain.

Aujourd’hui, comment voyez-vous l’avenir d’assemblia à plus long terme ?

Marion Canalès : Nous pouvons projeter assemblia demain comme une marque de fabrique de la Métropole sur des grands ensembles qu’elle aura construits ou reconstruits. Aujourd’hui, nous accompagnons la Clermont Auvergne Métropole dans tous ses attendus. Assemblia, dans les prochaines années, aura sans doute une assise plus vaste dans les activités et la diversification de ses missions. Elle sera un des acteurs reconnus aussi sur la solarisation des espaces, comme les parkings. Les enjeux sont nombreux !

« Demain, assemblia continuera d’élargir son périmètre d’intervention »

Au-delà de cette diversification des activités, une intervention plus large en termes de territoire est-elle envisagée ?

Marion Canalès : Je dirais plutôt qu’assemblia confirme, depuis 3 ans, le périmètre de son intervention au-delà de la Métropole, parce que d’autres territoires lui font confiance et cela est le cas depuis un grand nombre d’années. L’Allier est ainsi un enjeu important avec des actions dans les centres-bourgs, des rénovations et des actions de proximité territoriale. Notre vocation n’est pas seulement d’être un outil métropolitain. La fabrique urbaine œuvre dans tous les territoires avec son savoir-faire et son expérience. Nous nous y employons avec enthousiasme.

Pour conclure, quel regard portez-vous sur ces trois ans de travail accompli par assemblia et ses équipes ?

Marion Canalès : Au vue de notre feuille de route initiale, il est encore trop tôt pour parler de promesse tenue. Depuis la création d’assemblia, il n’y a pas d’année normale à laquelle on peut se référer. Ce sont trois années compliquées, sans répit. Nous avons connu énormément d’imprévus et de situations inédites. Malgré cela, nous avons réussi à mettre en place les actions que nous nous étions promis d’initier. Maintenant, c’est à nous de confirmer. Une véritable mue a déjà été entreprise et les enjeux de la transition énergétique sont au cœur de celle-ci. C’est aussi pourquoi, nous nous engageons dans une démarche de RSE (Responsabilité Sociétale de notre Entreprise), garante de la solidité de nos expertises et nous permettant d’envisager l‘avenir avec confiance et lucidité.